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mardi 15 avril 2008

Les motards roulent t'ils trop vite ? II - Fantasmes

(Initialement publié le 23/10/2004)

Cet article ne se veut pas exhaustif et doit-être considéré comme une base de réflexion. Des lecteurs pourront certainement apporter des témoignages, préciser ou rectifier mes propos.

Le problème

La question intrigante est :
Pourquoi la propagande visant à accréditer la vision des motards en excès de vitesse permanent est-elle aussi facilement acceptée d'une large partie de l'opinion ?

Pour qu'une information soit considérée comme exacte il faut :

1- Qu'elle émane d'une autorité reconnue comme compétente.
Nous avons vu dans la première partie de cet article que la désinformation a été bien menée en faisant porter un message unique par des hommes politiques, des scientifiques, des associations de victimes de la route et en utilisant des grands médias, télévision (France 2 en tête), radio (mention particulière pour France-Inter et France-Infos) et de grands journaux ou hebdomadaires.

2- Il faut que l'information corresponde à un schéma, à une image, qui rendent l'information plausible. C'est la courte histoire du monde de la moto qui permet de comprendre la formation de l'image fantasmatique du motard et de la moto (voir 1. historique)

3- Il faut qu'elle soit vérifiée, même à minima, par l'observation. (voir 2. Responsabilités du monde de la moto dans sa propre image).

1. Historique

Il semble que dès le début de la moto, ce mode de locomotion ait été perçu comme " violent ". Le bruit, la légèreté qui permet des accélérations plus vives, la dangerosité dûe à un équilibre instable, mais aussi l'attachement du pilote à sa machine, ont rapidement amené une large opinion à diaboliser cet engin.
La rapidité avec laquelle s'est forgée la première image collective du motard et de sa moto, laisse supposer qu'elle se rattache elle-même à des schéma plus anciens.

Rappelons-nous du portrait parodique du motard, mais que beaucoup ont du prendre plus ou moins au pied de la lettre, dans la chanson " L'homme à la Moto " (1), interprétée avec force par Edith Piaf :

" Sa moto qui partait comme un boulet de canon
Semait la terreur dans toute la région. "

" Jamais il ne se coiffait, jamais il ne se lavait "

" Car tout le monde savait bien qu'il aimait entre tout
Sa chienne de moto bien davantage... "

" Dans le bruit de la machine et du tuyau d'échappement
Il bondit comme un diable avec des flammes dans les yeux ".

Cette chanson date de 1956, c'est le début de l'époque des rebelles et du perfecto : Marlon Brando (L'équipée sauvage, 1954) ; James Dean (La fureur de vivre, 1955).
Dans les années 60, ce sont les blousons noirs qui saccagent les salles de fêtes et de concerts.
Aux Etats-Unis apparaissent les Hell's Angels, brutes violentes, masquant leur nihilisme sous les croix de fer et les casques allemands. Ils acquièrent une triste notoriété après le 6 décembre 1969, lorsqu'ils assassinèrent un noir lors d'un concert des Rolling Stones à Altamont. Ce mouvement ne s'implanta heureusement pas en France, seuls quelques pâles imitateurs se contentent de saccager des lieux de concerts au début des années 70. Contrairement au phénomène blousons noirs, l'opinion publique ne semble pas avoir généralisée l'image de ces "loubards " à tous les motards.

Par contre l'attitude de certains motards des années 70 ne faisait rien pour améliorer une image déjà bien dégradée.
La bande dessinée " Joe Bar Team " décrit bien cette recherche de la montée d'adrénaline. Besoin de se confronter aux autres, nécessité d'une initiation que la société n'offrait plus, besoin de se prouver à soi même son courage et sa maîtrise, rébellion contre une perspective d'une vie trop lissée ou trop soumise à la hiérarchie… (2).
De plus, la dangerosité de l'alcool dans la conduite n'était pas aussi bien intégrée qu'aujourd'hui. Avec l'arrivé des motos japonaises, moins chères, plus fiables et plus puissantes, ces facteurs entraînèrent une multiplication des accidents graves et de la mortalité chez les motards.

A leur décharge, les automobilistes ne leurs facilitaient pas la circulation. Je me souviens encore d'un automobiliste qui a serré son véhicule à droite pour faciliter mon dépassement. Je n'ai pas oublié ce geste de courtoisie, car je le rencontrais pour la première fois. C'était en 1975, et il était beaucoup plus fréquent de rencontrer des automobilistes roulant le plus à gauche possible afin de gêner au maximum tout dépassement.

Dès la fin des années 70, les attaques conjuguées des gouvernements et des assurances joint au fait que pratiquement chaque motard avait perdu au moins un copain dans un accident, permirent une évolution rapide de l'esprit motard. La création de la FFMC (Fédération Française des Motards en Colère) permit de fonder l'Assurance Mutuelle des Motards, après une souscription chez les motards eux-mêmes. Une prise de conscience sur les dangers de l'alcool eu lieu beaucoup plus rapidement que chez les automobilistes. Beaucoup de motards s'engagèrent dans une réflexion sur la sécurité routière et les conduites à risques.

Aujourd'hui les motards se sont grandement assagis et se retrouvent partout ou il est question de sécurité routière. La solidarité motarde dépasse largement un cadre corporatiste et de nombreuses manifestations motardes sont organisées au profit d'actions solidaires (restaurant du cœur, fondé par le motard Coluche, maladies génétiques…). Comme le nombre de motard a grandement augmenté, chacun en connait au moins un et peut constater que ce n'est pas un marginal irresponsable.
L'image du motard s'est donc considérablement améliorée. Nous ne sommes plus considérés comme des déviants, violents ou suicidaires. Il ne reste donc de cette image que notre goût maniaque de la vitesse

Et pourtant…
Il y a quelques années, l'assassinat d'une jeune adolescente indigna la France entière. Plusieurs mois plus tard, l'enquête s'enlisant, France-Inter (encore eux) nous gratifia d'un feuilleton odieux. La gendarmerie était sur les traces du criminel et pendant une dizaine de jours son portrait se précisa :
C'était un marginal, il dormait sous les ponts, il fréquentait le " milieu " des motards et il roulait.. en Harley-Davidson ! (Le meurtrier, un hispanique vivant aux Etats-Unis et n'ayant probablement jamais roulé à moto, fut arrêté bien après).
Ce bobard a probablement été lancé par les enquêteurs qui pataugeaient, il est cependant curieux que les journalistes n'aient pas trouvé étrange qu'un SDF possède une moto de plus de 15 000 euros !
" L'homme à la moto " n'est peut-être pas si éloigné que cela, dans l'inconscient collectif…

2. Responsabilités du monde de la moto dans sa propre image

Pour maintenir l'image fantasmatique du motard et pour adhérer, sans critique, a un message gouvernemental réducteur, il faut que des éléments objectifs et observables par tous accréditent ces a-priori.

a. La puissance des motos

la course à la puissance chez les constructeurs frappe beaucoup l'imagination. Ainsi, lorsqu'une moto est annoncée comme pouvant atteindre les 300 km/h (en version libre), il est possible de penser que, si un motard achète une telle moto, c'est pour rouler parfois à 300 km/h. Certains journalistes, par goût du sensationnel, ne se sont pas privés d'exprimer cette opinion. 300 km/h représente une vitesse très élevée, mais lorsque que l'on s'imagine rouler à 83 mètres par seconde, on se rend tout de suite compte que cette vitesse est impossible à tenir sur route ouverte.

Une journaliste de France 2, voyant le compteur de ma moto gravé jusqu'à 240 km/h en a conclu que je roulais régulièrement à cette vitesse. J'ai eu beau lui expliquer que cette moto ne pouvait pas dépasser les 200 km/h et qu'en raison de la position droite du pilote et l'absence de protection, la pression du vent faisait que dépasser les 150 était un exploit sportif, je n'ai pas réussi à la faire changer d'avis. Lorsque je lui ai fait remarquer que le compteur de sa propre voiture indiquait très certainement les 200 km/h, je me suis attiré cette réponse : " Ce n'est pas la même chose ! ".

b. La vitesse

1) Les " exploits " sportifs sur route sont rares mais ont été très largement médiatisés. Le plus connu est le tour du périphérique parisien (plus de 30 kms) réalisé par " le Prince Noir " au petit matin, à la vitesse moyenne de 192 km/h. Là aussi, la généralisation à tous les motards est facile à faire. C'est oublier que très peu de motards auraient l'idée saugrenue de se livrer à ce genre d'exploit et que moins encore pourraient s'en sortir vivants. Le " Prince noir " avait certainement besoin de se prouver et de prouver aux autres qu'il était un pilote d'exception, avec des nerfs d'acier, ce qui n'empêche que sa performance relève du pathologique.

2) Les excès de vitesse manifestes, sur route comme en agglomération, nous en remarquons tous régulièrement. Ca existe, il n'y a pas grand chose à en dire sinon que ce sont eux que l'on remarque et pas la majorité qui roulent normalement et que si ils commettent un excès de vitesse à un endroit précis, cela ne signifie pas qu'ils roulent en permanence en excès de vitesse.

3) Les dépassements rapides. Le dépassement est toujours une manœuvre à risque. La prudence veut que plus le dépassement est rapide, moins de temps nous restons dans cette zone de danger. Comme une moto bénéficie d'une puissance d'accélération bien supérieure à celle d'une voiture, c'est la seule manœuvre qui allie le plaisir de l'accélération et la sécurité. Un inconvénient, le stress subit par l'automobiliste si il n'avait pas venu venir la moto. Et en cas d'accident quelques kms plus loin, l'automobiliste témoignera que la moto l'a doublé à grande vitesse. Pourtant, cela ne signifie pas que la moto roulait à la même vitesse qu'en dépassement. On observe que le motard maintient son accélération quelques secondes après son dépassement, puis revient à son allure initiale dès qu'il existe une distance de sécurité confortable entre le véhicule dépassé et sa moto.

c. Le bruit

Le bruit est une véritable agression qui déclenche en réaction une agressivité de la part de la victime. On retient obligatoirement l'abruti qui traverse la ville, de nuit, à 8000 tours, mais on n'a pas entendu toutes les autres motos qui sont passées en silence. Une généralisation facile à faire et compréhensible est que : toutes les motos sont bruyantes et sont des engins agressifs. Comme le bruit est facilement associé à la vitesse, la conclusion s'impose, les motards roulent trop vite.

1) L'échappement, pour certain motards, a une fonction importante en dehors de son utilité première : émettre un " beau bruit ". Si l'échappement est bien conçu, il est possible d'avoir une bonne sonorité sans dépasser le volume sonore règlementaire. Mais ce n'est pas toujours le cas et pour quelques motards le " beau bruit " est obligatoirement produit par un échappement bruyant (c'est entre autre le cas d'un bon nombre de possesseurs de Harley). Leur argument justificatif est que le bruit est un facteur de sécurité : ils ont moins de risque d'être ignoré par les autres usagers. Cet argument n'est sans doute pas faux, mais comme il est surtout valable en agglomération, il me parait quand même douteux de faire supporter à l'ensemble de la population une agression sonore en tout lieu et à toute heure sur tout le parcours de la moto. En cas de situation douteuse, il est toujours possible de rétrograder et d'augmenter pendant quelques instants le régime moteur et donc le bruit émis par la machine.

2) Le régime moteur trop élevé en ville présente les deux inconvénients, d'être très bruyant et de donner une impression de vitesse supérieure à la vitesse effective. Il est vrai qu'un des plaisirs de la moto est l'accélération et il est tout a fait possible de pousser ses vitesses sans dépasser les 50 km/h en ville. En dehors de la gêne causée à l'environnement, en cas d'accident il y aura toujours des témoins qui pourront déclarer : " d'après le bruit il roulait très vite ".

Conclusion

Même si l'image du motard s'est nettement amélioré et qu'il ne viendrait plus à personne l'idée de nous traiter de " blouson noir ". Même si une majorité d'automobilistes font preuve de civilité, voire même de complicité (en tant qu'usagers de la route) à notre égard, il restera une part d'irrationnel dans l'image du motard. Celle-ci restera ancrée en raison de nos petits travers et surtout à cause d'une faible minorité de motards immatures ou asociaux.

Les motards forment une communauté soudée par une passion commune, ayant ses valeurs (solidarité) et sa culture. Elle peut se comparer à un groupe ethnique ou culturel. Un automobiliste ayant un comportement dangereux ne sera pas catalogué comme membre de la communauté des automobilistes, car elle n'existe pas, mais comme chauffard. Un motard ayant ce comportement sera considéré comme motard.

Les médias ont également une part de responsabilité (involontaire) en ne tenant pas compte de ce particularisme. La moto est un engin fréquemment utilisé lors de cambriolages ou de règlements de comptes meurtriers. Dans ce dernier cas, il est arrivé d'entendre : " Untel a été assassiné par un motard ", au lieu de : " Untel a été assassiné par un tueur à moto ". La nuance est d'importance…

Gilles
Consultant en accidentologie
des deux-roues motorisés

(1) Voir les paroles complètes sur le site : http://acme2r.free.fr/
(2) Toutes ces attitudes mériteraient des analyses complètes, car c'est la clef pour comprendre les prises de risques chez certains jeunes adolescents. Sans cette connaissance, les discours institutionnels de sécurité routière continueront à tomber à plat.

3 commentaires:

Gilles a dit…

Commentaire du 17/11/2004, Par Yvan

La vulnérabilité du motard qui incite à la prudence est perçu par bon nombre d'automobilistes comme une prise de risques
exagérée. De là la perception du motard comme une tête brûlée qui ose s'aventurer sur les routes en
dépit du danger.
Par extension cette perception renforce le phantasme du motard fou de vitesse sans respect pour lui-même ou les autres.
Comme toujours l'ignorance de l'autre amène à tous les excès.

Yvan.

Gilles a dit…

Commentaire du 05/12/2004, par Jean-Etienne

bonjour à tous,
Il faut distinguer très vite la différence entre "motard" et "motocycliste".
Un motocycliste est un usager de la route qui se dŽplace sur une motocyclette.
Un motard est un personnage social qui a adopté un mode de vie dont la moto est l'outil principal.(souvent pour des raisons économiques et pas
forcémment culturelles !) La culture "joe bar team" est une culture motarde des années 70/80. A cette époque il n'y avait que des motards et pratiquement pas de motocyclistes.
L'arrivée des motocyclistes ( surtout dans les zones urbanisées ) qui pour des raisons d'éfficacité ont opté pour ce mode de transport ( faible encombrement, mobilité , capacité à stationner, etc...) ont profondémment fait évoluer la famille motarde ainsi que la féminisation.
Savez vous que l'accidentologie des deux roues à moteur est plus forte chez les motards que chez les motocyclistes.
En moyenne un utilisateur de deux roues à moteur dans notre pays parcours 6 000 kms par an.
Un automobiliste parcours pour la mme période environ 12 000 kms, soit deux fois plus. Surprenant non ?
Je suis un motard issu de la culture "Joe Bar" où plutôt "Bar Joe" . Ayant commencé la moto dans les années 70, j'ai eu la chance
de grandir et de murir. Jean Claude et pleins d'autre de mes potes ne sont plus là pour raconter nos aventures et nos conneries. Je continue pour eux
et en leurs noms, c'est la rançon de la vie. Pour bien assoir ma passion j'ai choisis d'enseigner la conduite moto. Quoi de plus noble que de
partager sa passion. Je n'apprends qu'une chose : à rester en VIE ! Motard mon frère dans ces périodes difficiles arrête de pleurer et de dire que c'est la faute à l'autre et essaie ce principe trés simple : Puisque que je partage la route ( 1 million de motos et 34 millions de voitures )
qu'est ce que je suis prêt à donner aux autres ? Car le principe est simple tu ne recevras jamais tant que tu n'auras pas donné !!
Autre chose la vie étant unique elle n'est de ce fait absolument pas raisonnable, ne crois jamais ceux qui s'occupent de ton bien !! Fais le toi même
et continue de rigoler en lisant Joe Bar Joe Teeeamm !!
Jean Etienne

Casque modulable a dit…

La dernière réunion des États généraux de la sécurité des motos a eu lieu le 16 novembre à la Grande Arche de la Défense (92) en présence de la FFMC. Vu les dernières annonces gouvernementales sur l’augmentation de la sinistralité des 2RM, on craignait des mesures anti-moto. Il n’en a rien été… pour l’instant !